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Nettoyage des cadres dorés

D’une simplicité banale, le nettoyage des dorures sur bois n’est absolument rien par lui-même, mais il est extrêmement délicat à exécuter; il demande des soins minutieux, vu le peu d’épaisseur et d’adhérence que présente la couche aurifère.

Pour nettoyer un cadre, on commence donc par enlever, avec un plumeau ordinaire, le plus gros de la poussière; puis, on revient avec un plumeau plus fin, pour ôter ce qui peut encore y rester. La partie généralement la plus empoussiérée et encrassée est, sans contredit, la bordure du bas, celle recevant directement et retenant plus facilement, après chaque balayage, toutes les poussières en suspens dans l’air.

Après ce premier époussetage, si le cadre est agrémenté de coins ou d’ornements en relief, on en fait à fond la toilette à l’aide d’une brosse en soie de porc, à poils un peu longs et très souples, en les introduisant dans toutes les parties creuses et fouillées de la structure, pour en déloger la poussière que le plumeau n’a pu atteindre.

Ceci fait, on passe au lavage du cadre pour lui enlever le voile opaque ternissant encore la dorure. C’est précisément ce simple lavage qui présente le plus de difficultés, et pour lequel il faut redoubler d’adresse et de dextérité, car la moindre hésitation, le plus petit tâtonnement peuvent, en un instant de maladresse, anéantir ce que le temps avait si religieusement respecté.

Pour bien exécuter cette opération de lavage, il est donc nécessaire, indispensable même, de connaître la manière dont la couche d’or a été déposée sur le cadre, afin d’apporter dans son travail de restauration tous les ménagements qu’il comporte.

Dans presque tous les cadres, il se trouve deux sortes de dorures : l’une, la plus fragile, la dorure brunie ou à la détrempe, et l’autre, la dorure mate ou à l’huile, qui a plus de fixité.

Dans la dorure brunie, d’une délicatesse infinie, la feuille d’or se trouve appliquée directement sur le fond, qui est enduit d’une couche d’assiette (L’assiette est un mélange de plombagine, de sanguine, de bol d’Arménie et de quelques gouttes d’huile d’olive, le tout broyé et mélangé dans des proportions déterminées) : un léger filet d’eau mis au pinceau vient détremper cette assiette et retendre dessus la feuille d’or qui y adhère seulement par l’évaporation de l’eau et ce qu’il y a de mucilagineux dans l’assiette. Cette dorure est donc ce qu’il y a de plus sensible et de moins résistant; aussi exige-t-elle de grandes précautions dans son nettoyage.

La dorure mate ou à l’huile, c’est-à-dire celle où la feuille d’or est appliquée directement sur une mixtion grasse, mélange d’huile de lin et de litharge, est beaucoup plus solide au lavage par la nature répulsive que présentent les corps gras pour l’eau.

Initié aux procédés de l’application de la dorure sur bois, on peut plus facilement aborder le lavage des cadres.

Muni d’une éponge bien fine, on la trempe dans l’eau fraîche sans en expulser l’excédent d’eau : alors commençant par un des coins du cadre, ce dernier tenu verticalement pour que le surplus d’eau puisse s’écouler promptement, on y applique l’éponge en blasant (blaser = tamponner sans frottement) à pleine eau une ou deux fois la dorure. Nous employons ici le mot blaser avec intention, car le moindre frottement enlèverait la dorure au lieu de la nettoyer. L’eau entraîne la poussière qu’elle a détrempée, il ne reste plus qu’à blaser de nouveau, cette fois, avec l’éponge bien à sec, pour enlever ce qui aurait pu rester d’eau dans les parties creuses.

Il est très important, et c’est là une des conditions essentielles, de ne jamais repasser plusieurs fois l’éponge au même endroit pour ne pas enlever la couche de dorure.

On termine le lavage de la même manière en suivant tous les contours du cadre jusqu’à ce que l’on arrive à l’endroit par lequel on a débuté.

Il ne reste plus maintenant qu’à faire sécher le cadre à l’air et en plein soleil car l’ombre ne vaut rien pour cette opération. Il est préférable de choisir, pour exécuter ce travail, un temps bien sec et bien ensoleillé.

Le cadre une fois sec, on passe d’un seul coup, en appuyant un linge de soie (vieux foulard, par exemple), sur les parties brunies; elles reprennent de suite leur premier brillant.

Lorsque la dorure est enlevée dans certaines parties, on la répare facilement en donnant, sur l’endroit où l’or est enlevé, une couche d’une composition appelée brillant d’or ou vernis américain, qui se vend chez tous les bons papetiers et marchands de couleurs.

Un peu de bronze en poudre, ou mieux encore de l’or en poudre délayé dans une goutte d’eau gommée, légèrement teintée de couleur à l’aquarelle, permet de communiquer à cette poudre le ton même de l’or du cadre à raccorder, ce qui donne à l’objet toute une fraîcheur nouvelle.

Voilà le procédé de nettoyage dans toute sa simplicité. De l’eau pure ! Rien que de l’eau ! Cela semble étrange;… c’est comme cela ! Bien des personnes hésiteront à recourir à un procédé aussi simple, j’en suis convaincu : habitué que l’on est à donner la préférence à tout ce qui paraît extraordinaire ou compliqué. Quoi ! nettoyer un cadre sans la moindre goutte d’acide, de chlorure de potasse, d’alcool, etc. est-ce possible ? Eh bien oui ! … Cela est possible, c’est même la seule et unique manière de bien nettoyer un cadre, car la moindre lessive alcaline, le plus faible mordant, par son contact avec l’or, pendant le temps relativement très court qui s’écoule entre le lavage, le séchage et l’évaporation de l’eau, suffit pour attaquer et ronger les molécules microscopiques d’or déposé sur le bois et laisser à nu ce dernier. Rappelez-vous donc que tout acide, tout mordant, dissout l’or, et que leur emploi nécessite infailliblement, après le lavage, l’envoi du cadre chez le doreur qui lui, alors, n’épargne pas votre bourse.

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